Petit à petit, Yuan fait son nid.

POURBOIRE

Il y a des gens qui n’ont pas besoin de parler ou de bouger pour rendre les autres heureux, leurs sourires et leurs regards suffisent pour allumer toute ta journée, comme une lumière, chaleureuse, rassurante et gratifiante.

Madame H. est une de ces personnes.

Elle est venue me voir pour recevoir un massage, en apportant un certificat cadeau qui lui avait été donné par un ami.

Au début, je pensais que ce monsieur était son mari.

“Mais non, mais non, c’est mon ami ; mais un très bon ami.”

Madame H. travaille dans les hôpitaux, les CHSLD ou les maisons de retraite. Elle prend soin des personnes âgées qui sont en soins palliatifs.

Pendant son traitement, elle m’a raconté beaucoup d’histoires tristes qu’elle a vécues pendant 11 années de travail auprès des personnes en fin de vie.

En un mot, on peut dire que la société n’est pas très généreuse avec les personnes âgées, et cela est souvent vrai de leurs propres familles.

Elle m’a dit qu’elle avait eu des conflits avec les administrations hospitalières parce qu’elle n’acceptait pas leurs façons de traiter les gens âgées.

Certaines expériences qu’elle a vécu en milieu hospitalier étaient tellement difficiles et lourdes pour elle que maintenant elle refuse de travailler toujours au même endroit.

Elle m’a expliqué qu’elle travaille maintenant “sur appel”. De cette façon elle n’a pas de sécurité ou de plan de retraite, mais elle a plus de liberté. Si la situation sur place devient inacceptable, elle ne retourne tout simplement pas au même endroit.

Elle m’a dit que même si son opinion n’est pas importante aux yeux des administrateurs, elle conserve quand même sa capacité de protester, même si cette voix est faible.

Ses expériences m’ont touché beaucoup, et j’ai immédiatement compris d’où vient cette lumière autour d’elle, c’est la lumière de son humanité.

Son travail, tout comme le mien, à titre de massothérapeute, consiste à prodiguer des soins.

Grâce à ce travail, nous avons de multiples occasions, elle et moi, de prendre soin des gens, mais en même temps, nous avons l’immense privilège de vivre des aventures humaines incroyables. Cela nous fait réfléchir ; nous aide à mieux comprendre la vie et nous amène à grandir.

Quand son traitement fut terminé, elle m’a donné le certificat cadeau comme paiement, et elle m’a donné un billet de 10$ en disant qu’elle m’appréciait beaucoup.

Je lui ai dit que c’est mon travail, et que je ne pouvais pas accepter cet argent.

Elle a poussé encore une fois le billet de 10$ vers moi sur la table, en disant que c’était un petit cadeau de rien du tout.

Je lui ait dit que j’avais beaucoup d’admiration pour elle aussi, et que le paiement était déjà fait, tout en repoussant le billet.

Une troisième fois, elle l’a mis en avant de moi, me disant que son revenu était peut-être limité, mais qu’elle voulait m’offrir un café.

Finalement je n’ai pas eu le choix, je lui ai dit que le monsieur qui avait acheté le certificat cadeau pour elle, non seulement avait payé pour le massage, mais il avait aussi donné 20$ de pourboire en son nom, à l’avance.

Alors, j’ai lui expliqué que à cause de ça je ne pouvais pas accepter cet argent.

Elle a souri et elle m’a dit que ni elle ni le monsieur sont des personnes riches, mais que ce n’était pas grave.

Je lui ai répondu que j’étais très contente de les avoir rencontré tous les deux, parce qu’ils sont de très bonnes personnes.

Elle m’a embrassé gentiment, puis elle a quitté, mais sa lumière a continué à illuminer encore tout doucement la chambre…