Ma première rencontre avec le cancer 

     Si il y a une chose que j’aime par dessus tout dans la pratique, c’est que ma profession me permet de rencontrer beaucoup de personnes différentes et de les aider à composer efficacement avec leurs douleurs dorsales et lombaires, ou leur besoin de relaxation profonde. Même si c’est seulement pour une heure ; une heure et demie ou deux heures de traitement, je peux toujours sentir beaucoup de choses à propos de chaque personne et en apprendre beaucoup sur elle.

     Certaines sont vraiment impressionnantes, comme cette femme à laquelle j’ai souvent pensé par la suite.

    Un jour, nous avons reçu un appel d’une femme dotée d’une voix souriante et rieuse. Elle voulait obtenir un massage pour une durée de 1,5 heure. Nous avons procédé à sa réservation et, quand nous lui avons posé les questions de base à propos de son état de santé, nous avons eu la surprise d’apprendre qu’elle était atteinte d’un cancer avancé du poumon dont les métastases avaient migré vers ses reins et ses os.

    Normalement, nous ne traitons pas les patients atteints d’un cancer du poumon ou des os car ces patients sont trop fragiles pour être en mesure de supporter un massage de ce type. Mais la voix souriante de cette femme et sa forte détermination ont forcé notre admiration et nous avons décidé de tenter de l’aider.

    Je suis encore jeune pour faire face à la mort et il s’agissait de la première fois où j’ai été confrontée à une personne atteinte d’un cancer en phase terminale parce que lors de mes études en médecine traditionnelle chinoise, en Chine, nos professeurs nous répétaient sans cesse qu’il valait mieux ne rien tenter et laisser mourir ces patients en paix.

    Au moment où je l’ai vue entrer dans la salle de traitement, j’ai réalisé sur le champ que même si les “meilleurs souhaits” sont sincères, ils ne sont que des souhaits. Cette femme affichait un grand sourire, mais l’image de la mort se lisait sur son visage.

    Quand j’ai voulu appliquer la crème de massage sur son corps, j’ai été choquée de voir combien elle était maigre ; il n’y avait presque pas de chair sur ses os ; sa peau était rouge et sensible à cause de la chimiothérapie. Par compte, selon les proportions harmonieuses de son corps et la peau lisse sur ses longues jambes, je pouvais discerner clairement qu’il s’agissait d’une jeune et belle femme.

    Au début du traitement, je me demandais sur quelle partie de son corps je pourrais appliquer mon poids parce que je craignais que même une toute petite pression puisse lui rompre un os. J’ai pris une profonde inspiration ; je me suis concentrée et j’ai débuté son massage tout en douceur.

    Pendant le traitement, elle était calme et ne bougeait pas du tout. Soudain, elle exhala un profond soupir ; un de ces soupirs qui viennent de la partie la plus profonde d’un corps qui a beaucoup souffert, puis elle a dit, “Ca fait du bien.” Ce furent les seuls mots qu’elle prononça pendant tout son massage.

    À la fin du traitement, je suis sortie pour lui permettre de s’habiller en toute quiétude. Quand je suis revenue dans la salle d’attente, elle était prête à partir. Elle m’a remercié beaucoup et longuement pour mon traitement qui, me dit-elle, l’avait beaucoup soulagée, puis elle m’a demandé ma carte d’affaires et a quitté en me dédiant un sourire radieux.

    De retour dans la salle de traitement, j’ai constaté qu’elle avait soigneusement plié et disposé la serviette sur la table de massage. Tout avait été parfaitement rangé et j’ai trouvé 130 $ sur la table.

    Soudain, des larmes me sont montées aux yeux et je me suis précipitée hors de la chambre pour la retrouver dans le corridor. Je ne savais pas quoi dire, alors je lui ai fait un long câlin et nous nous sommes embrassées spontanément. Je lui ai dit: “Bonne chance.”     C’était la seule chose que j’étais capable de dire. Nous le savons tous, parfois la bonne volonté souhaite désespérément réussir à changer des choses qui sont inéluctables mais il ne s’agit, malheureusement, que de souhaits. Cependant, je tenais quand même à lui souhaiter “Bonne chance.”

    Normalement, je n’ai aucune attente à l’endroit des personnes qui pourraient revenir se faire traiter. À partir du moment où j’ai la conviction d’avoir bien fait mon travail, je laisse à mes patients le soin de réagir selon leurs perceptions. Mais dans le cas de cette jeune femme, j’ai longtemps attendu qu’elle me fasse signe. J’espérais un autre appel de sa part, parce que cet appel eût été un appel de la vie.

 


17/12/2018 22:08 分类: 评论(0) 阅读()
 

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