The name of the game
Quand j’ai commencé ma pratique de massage ashiatsu il y a quelques années, je ne connaissais personne ici, au Québec, et donc je n’avais aucun client potentiel. Je partais à zéro.
Mes premier et deuxième clients furent des confrères de ma classe de français à l’école. C’’était bien, mais nettement insuffisant pour me permettre de gagner ma vie.
Alors, pour tenter de me constituer une bonne base de clientèle, j’ai fait imprimer de jolis dépliants en couleurs et j’ai payé Postes Canada pour les distribuer dans la grande région de Saint-Bruno.
Dans ce dépliant, j’offrais généreusement une promotion intitulée “Payez ce que vous voulez.” à tous ceux qui souhaitaient essayer un premier massage ashiatsu .
Les gens qui venaient me voir pour vivre cette première expérience avec moi pouvaient ainsi payer ce qu’ils voulaient.
C’était une idée que je venais de découvrir dans un journal qui expliquait que de nouveaux restaurants utilisaient ce type de promotion pour attirer l’attention d’une nouvelle clientèle potentielle.
Le type de massage que j’offrais était très spécial, il s’agissait de la modalité Ashiatsu qui était totalement inconnue ici à cette époque.
Je souhaitais donc recruter ainsi de nouveaux clients à l’aide de cette promotion..
En réalité, la promotion a très bien fonctionné car de nombreuses personnes sont venues me voir pour en profiter.
En voici les résultats:
Le premier mois, j’ai gagné 175$.
Les quatre premiers mois, j’ai gagné un total de 725$.
Oui, c’était le résultat exact pour ces quatre premiers mois.
Comme je l’avais souhaité, grâce au dépliant et à la promotion, les gens en parlaient avec leurs amis et avec leur famille et ils venaient en grand nombre.
Mais à ma grande surprise, beaucoup de gens ne m’ont donné que 2$, 5$ ou 8$, pour une heure de massage. Quelques uns m’ont donné 10$, 20$, ou 40$, et les plus généreux – 2 ou 3 – m’ont offert 60$.
Or, mon prix régulier à cette époque était le même que celui d’aujourd’hui, soit 90$/1h et ce prix était clairement indiqué dans le dépliant.
Plusieurs fois j’ai souri et ouvert mes mains, mais les gens n’y mettaient que des pièces de 1$, 2$ ou même 25 cents. Et je commençais à me demander à l’intérieur : “Qu’est-ce que je fais ici ?”
Bien sûr, j’en ai parlé avec José par la suite, car je trouvais que c’était difficile à accepter.
Comment les gens pouvaient-ils se comporter comme ça ? Ils étaient canadiens, non ? Je pensais que ces comportements ne pouvaient se retrouver que dans la société chinoise, où la culture ne se prête pas à la reconnaissance et à la générosité…
Les canadiens devaient être nettement plus instruits ; honnêtes, reconnaissants et généreux, non ?
Mais José m’a répondu: “Tu découvres ici certains aspects de la nature humaine, Yuan, et ces aspects sont universels. Beaucoup de gens sont comme ça et il ne sert à rien de les juger parce que ton jugement ne peut pas les atteindre puisqu’ils sont déjà loin quand tu le formules.”
“On dit souvent que c’est “The name of the game.” et qu’il faut apprendre à composer avec. Tu as offert cette promotion de ton plein gré, de sorte que tu te dois de la respecter ; cela fait partie de ton apprentissage en tant que travailleuse autonome.”
J’ai donc continué en serrant les dents, mais sans rien dire.
Un jour, après une bonne heure de massage, une femme a posé une belle enveloppe blanche sur ma table de travail. Il y avait un grand “Merci” soigneusement manuscrit sur le devant.
J’en ai été très touchée, jusqu’au moment où j’ai ouvert l’enveloppe, après son départ, pour y trouver un seul billet de 10$…
Plus tard, j’en ai parlé à José, avec beaucoup de déception et une profonde frustration.
José ma dit: “Tu devrais être heureuse, car au moins cette femme t’a donné 10$. Pendant une heure, tu n’as pas travaillé pour rien. Encore une fois, c’est ça “The name of the game.”
Il y avait aussi des gens qui ne donnaient rien du tout.
Ainsi, quelques personnes sont venues, ont reçu un massage complet d’une heure, puis elles m’ont dit: “Wow, c’était vraiment un très bon massage. Je reviendrai sûrement et la prochaine fois, je vous paierai.” Puis ils sont partis; souvent en oubliant même de dire merci.
J’étais encore très déprimée.
Mais José a dit: “Écoutes moi bien. Si tu es bonne, c’est sur qu’ils reviendront. Mais si ils ne reviennent pas, ce n’est pas grave. Ce sera simplement parce qu’ils ne font pas partie de ta clientèle cible. C’est tout.
Mais tu ne devrais pas laisser ces comportements t’influencer car, encore une fois, c’est “The name of the game.” et toi aussi tu en fais partie, de cette “game”.
J’ai donc décidé de continuer, sans plus jamais chercher à me plaindre.
Et aujourd’hui, quelques années plus tard, la promotion est terminée depuis longtemps, mais la “game” continue !
|
发表评论